Israël accusé de freiner l’aide humanitaire dans le nord de Gaza par « des retards et des obstructions systématiques »
Dans le nord de Gaza, seule une dizaine de camions ont livré de la nourriture et de l’eau en deux mois et demi, selon l’ONG Oxfam qui critique des agissements de l’armée israélienne alors que les Palestiniens sont « affamés ».
Publié le 23 décembre 2024 par Le Nouvel Obs avec AFP
Seule une dizaine de camions d’aide humanitaire ont distribué de l’eau et de la nourriture en deux mois et demi dans le nord de Gaza, affirme l’ONG Oxfam. Une accusation contestée ce lundi 23 décembre par Israël, avançant de son côté un chiffre de plus de 2 000 camions.
« Sur les rares 34 camions transportant de la nourriture et de l’eau autorisés à entrer dans le gouvernorat du nord de Gaza au cours des deux derniers mois et demi, des retards délibérés et des obstructions systématiques de la part de l’armée israélienne ont fait que seuls 12 ont réussi à distribuer de l’aide aux civils palestiniens affamés », a dit Oxfam dans un communiqué, un décompte qui inclut les livraisons jusqu’à samedi.
Interrogé par l’AFP, le Cogat, organe du ministère israélien de la Défense supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens, a démenti ses chiffres, indiquant que, depuis le 2 octobre, plus de 2 100 camions d’aide étaient entrés dans le nord de la bande de Gaza. « Le rapport d’Oxfam ignore délibérément et de façon inexacte les efforts humanitaires considérables déployés par Israël dans le nord de la bande de Gaza », a déclaré le Cogat dans un communiqué.
« Aide vitale »
Israël contrôle strictement l’arrivée de l’aide internationale, indispensable pour les 2,4 millions de Gazaouis, depuis le début de la guerre déclenchée par l’attaque d’une ampleur sans précédent du mouvement islamiste Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023. L’Etat israélien a été accusé à plusieurs reprises de commettre un « génocide » à Gaza, y compris devant la justice internationale, à l’initiative de l’Afrique du Sud. Des accusations que les autorités israéliennes rejettent avec force.
L’Assemblée générale de l’ONU a approuvé jeudi à une large majorité une résolution demandant à la Cour internationale de justice (CIJ) de se prononcer sur les obligations humanitaires d’Israël envers les Palestiniens.
Oxfam et d’autres organisations humanitaires internationales ont été « continuellement empêchées de fournir une aide vitale » dans le nord de Gaza depuis le 6 octobre dernier, quand Israël a intensifié ses bombardements, a déclaré l’ONG.
« A court d’eau et de nourriture »
« On estime que des milliers de personnes sont toujours isolées, mais, l’accès humanitaire étant bloqué, il est impossible de les dénombrer avec certitude », selon Oxfam. « Début décembre, les organisations humanitaires œuvrant à Gaza recevaient des appels de personnes vulnérables, piégées dans des maisons ou des abris, et qui étaient arrivées à court d’eau et de nourriture », a ajouté l’organisation.
L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a entraîné la mort de plus de 1 200 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres officiels israéliens. Plus de 45 000 Palestiniens ont été tués dans la campagne militaire israélienne en représailles, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l’ONU.
Par Le Nouvel Obs avec AFP
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Après la mort de sept membres de l’ONG World Central Kitchen dans des frappes israéliennes le 1ᵉʳ avril dans l’enclave palestinienne, la stratégie militaire de l’Etat hébreu est plus que jamais questionnée. Avec le blocage de l’aide l’humanitaire, les pertes civiles de plus en plus nombreuses pourraient isoler encore davantage Tel-Aviv sur la scène internationale, estime l’ancien officier et expert militaire Guillaume Ancel.
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Entretien avec Guillaume Ancel, ancien officier français, écrivain et auteur du livre « Saint-Cyr, à l’école de la Grande Muette » (Flammarion).
Extraits de l’interview
• Peut-on croire qu’Israël a délibérément ciblé les sept humanitaires de l’ONG World Central Kitchen ?
Guillaume Ancel Cette frappe contre les humanitaires de cette ONG est l’illustration de la politique de Benyamin Netanyahou dans la bande de Gaza : la destruction systématique et aveugle de l’enclave.
Le gouvernement israélien n’a pas eu délibérément l’intention de tuer ces humanitaires, et personne n’a prononcé l’ordre de tirer sur ce convoi. Mais je ne dirais pas non plus que c’est une « erreur », comme l’affirme Tsahal [l’armée israélienne]. Cette frappe est conforme aux règles d’engagement ordonnées par le cabinet de guerre : tir libre, aucune contrainte d’engagement [encadrement strict de l’usage de la force], pas ou peu de considération pour les civils ou les ONG présentes sur le terrain. Pour Netanyahou, tout ce qui se déplace dans la bande de Gaza est hostile à Israël et doit être ciblé. Personne n’a donné l’ordre aux soldats israéliens de faire attention aux civils et aux humanitaires.
(…)
Désormais, le message est clair : la politique ordonnée par le Premier ministre consiste à tout détruire. Il n’y a plus aucune ONG ou aucun humanitaire à Gaza qui puisse s’organiser sur le terrain. L’enclave n’est plus qu’un champ de bataille [196 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza depuis octobre 2023, dont plus de 175 de l’ONU, selon les Nations unies].
(...)
• Combien de « dommages collatéraux » Israël acceptera ? L’armée israélienne a-t-elle fixé des limites ?
Dans une guerre, les armées fixent des règles d’engagement qui autorisent en moyenne un certain taux de « dommages collatéraux ». Autour des deux ou trois pertes civiles pour une cible militaire, par exemple. Mais, dans cette guerre, on a dépassé les proportions. Neuf civils meurent à Gaza pour un combattant du Hamas tué, selon mes estimations.
Avec des salves d’artillerie qui ont la capacité de détruire la superficie d’un terrain de foot et des bombes de 250 à 500 kilos, l’armée israélienne, qui agit aux ordres de Netanyahou, ne cherche pas à frapper les chefs du Hamas mais à détruire les infrastructures et à rendre l’enclave inhabitable.(…)
Avec cette guerre, Israël s’attire les foudres du monde entier. Netanyahou précipite l’Etat hébreu dans un gouffre. Tous les pays de la planète se liguent contre la politique de Netanyahou. Le Premier ministre pourrait bien commettre l’erreur fatale d’isoler totalement cette nation dont l’existence est en questionnement permanent.
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