• Vous avez posé cette question aux festivaliers de Séries Mania : la Bible est-elle le meilleur des scénarios ? Comment en êtes-vous arrivée à explorer cette thématique reliant le religieux au petit écran ?
Laurence Herszberg, la directrice du festival, connaît mon intérêt pour les séries. Particulièrement l’aspect narratif, la force des histoires qu’on se raconte. J’ai la conviction que les histoires peuvent changer le monde. Pour le meilleur et pour le pire. De ce point de vue-là, ce que font les scénaristes et ce que j’essaye de faire, ce sont des choses qui se croisent. Laurence m’a donc suggéré un jour de travailler sur cette idée : la Bible est-elle un bon scénario ? En bossant la question, j’ai été très amusée de constater que les scénaristes appelaient la première mouture d’un scénario une « bible ». J’ai trouvé ça culotté de leur part d’empiéter sur nos plates-bandes religieuses. (Rires.) Je me suis beaucoup amusée à réfléchir à un comparatif entre ce qui fait un bon scénario et la vraie Bible ! Il y a des points communs, mais aussi des différences majeures. Dans une bible de scénario, il faut que le texte soit court, concis et très clair. C’est précisément le contraire dans la Bible. Il faut que ce soit suffisamment non clair et suffisamment long pour que ça puisse prêter à interprétation…
• Avez-vous finalement trouvé une réponse à votre question ?
Ma réponse, sous la forme d’un pitch, pour utiliser le jargon des séries, c’est que la Bible est un super scénario. Mais à travers l’histoire, les réalisateurs et les acteurs qui s’y sont frottés étaient assez… problématiques ! (Rires.) La façon dont on l’a interprétée religieusement est problématique. Par exemple, la question du féminin.
Dans la Bible, il y a une éclipse du féminin qui demande à être révélée. La présence féminine est là, un peu cachée, mais elle est une force de vie. Certains personnages féminins changent l’histoire.
Mais les lectures traditionnelles qui ont été faites de ces textes éclipsent totalement le féminin. Pour continuer avec le jargon des séries, je dirais que c’est un choix d’adaptation complètement biaisé que de choisir de ne pas faire de place au féminin. Un choix partial et partiel.
© Delphine Horvilleur
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