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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

C’est la rentrée des cantines scolaires au Kivu
Article mis en ligne le 20 août 2017

"C’est un projet dans le prolongement des jardins potagers scolaires que nous avons introduits à partir de 2012 dans 8 écoles du Kivu."

" Avec les cantines scolaires, on élargit le concept pour renforcer les bonnes pratiques agricoles et offrir au moins un repas par semaine aux élèves. Un des buts de Comequi est de lutter contre l’exode rural, de faire en sorte que les populations vivent bien à la campagne."

Ecole primaire participative de Kea au Kivu, près de Minova : une douzaine de classes abritées, vaille que vaille, dans des baraquements en bois couverts de tôles ; au centre, un vaste terre-plein tenant lieu de cour de récréation ; à droite, des champs ; à gauche, un potager ; à l’entrée du site, non pas un secrétariat ou une porterie, mais une… cuisine !

Le bâtiment de briques et de bois est neuf et très aéré, un atout indispensable puisque, dans cette pièce, se serrent trois - et bientôt six - foyers. Des foyers dits "améliorés", compacts, durables, mais qui, s’ils utilisent moitié moins de combustible et rejettent moins de fumée, en rejettent quand même… Alentour, déposés à même le sol, des marmites, bassines, bidons d’eau, assiettes et autres gobelets.
Si cette cuisine règne en maître sur le site de l’école c’est parce qu’au Congo, comme dans d’autres pays du monde d’ailleurs, c’est parfois par le ventre que certains enfants sont attirés à l’école. Mais surtout parce qu’il y a, tout autour, de quoi remplir lesdites marmites et bassines… L’école Kea le doit à l’ASBL belge Comequi et à l’association tout aussi belge des JPP (Joyeux pédaleurs des polders) qui ont décidé d’allouer des moyens, de l’énergie et de l’expertise à la résurgence des cantines scolaires. "Chaque année, les JPP organisent un rallye vélo dont les fonds sont attribués à un projet humanitaire, raconte Marie-Françoise Geurts, qui suit l’initiative pour Comequi. Nous avons remis un dossier visant à relancer les cantines scolaires au Kivu. Et il a été choisi." Les dons se sont élevés à 11 000 euros. De quoi financer la construction de la cuisine (6 500 dollars), son équipement (500 dollars), ses foyers améliorés (360 dollars) et la location d’un hectare de champs (400 dollars par an). A Comequi de mettre le projet en œuvre et de le rendre durable.

Apport nutritionnel équilibré

"C’est un projet dans le prolongement des jardins potagers scolaires que nous avons introduits à partir de 2012 dans 8 écoles du Kivu", précise Michèle Vrebosch, administratrice de Comequi, responsable des projets socio-éducatifs de l’ASBL. Des potagers dont la vocation est double : servir de terrain d’expérimentation et d’éducation et être source de revenus pour l’école. Celle-ci peut en effet s’attribuer la moitié du produit de la vente des récoltes pour acheter du matériel, participer au salaire des professeurs, rénover les bâtiments…, un quart étant réservé pour les replantations et le quart restant donné au profit des enfants et de leur famille. "Avec les cantines scolaires, poursuit Michèle Vrebosch, on élargit le concept pour renforcer les bonnes pratiques agricoles et offrir au moins un repas par semaine aux élèves. Un des buts de Comequi est de lutter contre l’exode rural, de faire en sorte que les populations vivent bien à la campagne. On a sélectionné Kea comme école-pilote parce que le potager scolaire (1,5 ha) fonctionnait bien et qu’on pouvait y louer un champ (1 ha) à proximité. Mais l’objectif est de multiplier les projets de cantines. Nous avons déjà loué des champs complémentaires autour d’autres écoles."

Si Comequi a repris le nom et une partie du concept imaginé par le Pam - programme alimentaire mondial - il y a plus de 50 ans pour lutter contre la malnutrition et l’absentéisme des élèves et améliorer l’éducation et le projet pédagogique, l’ASBL a été plus loin. Ce ne sont en effet pas des sacs de maïs et de haricots secs qu’elle achemine dans l’école, mais l’expertise de ses agronomes et l’aide d’un ouvrier agricole pour les faire pousser. "Ces cantines ont été lancées au Congo en 2002 mais fermées depuis, faute de moyens, ajoute Marie-Françoise Geurts. Nous en testons une relance dans les écoles que nous soutenons en nous inspirant de leurs préceptes en matière d’apport nutritionnel : maïs, manioc, patates douces comme aliments de base, haricots rouges et soja riches en protéines, légumes et fruits plein de vitamines et de minéraux… Comme il y a deux saisons par an ici, on a le choix."

Cantines et potager, partie visible d’un plus vaste projet

La première récolte a été réalisée fin mai. Début juin, la cantine était officiellement inaugurée. Avec des mamans d’élèves aux fourneaux. "Elles espèrent pouvoir réaliser non pas un, mais deux ou trois repas hebdomadaires, poursuit Marie-Françoise Geurts. On a toutefois décidé de commencer par un repas parce, que même si leur nombre fluctue, nous pensons qu’il y a 600 élèves ! Mais aussi parce que nous ne voulons pas que les parents se déresponsabilisent. Ces cantines font partie d’un projet plus vaste qui englobe les problèmes éducatifs et nutritionnels, mais aussi l’amélioration de la santé et la lutte contre la déforestation (voir ci-dessus). L’école percole, en quelque sorte, dans son environnement." Dans le même ordre d’idées, Comequi compte bien sur le fait que la cantine de Kea s’autogère et s’autosuffise sans son aide, hormis peut-être sous forme de conseils agricoles et maraîchers. "Pour les potagers scolaires, trois ans suffisent, conclut-elle. Pour la cantine, on verra. On ne veut en tous les cas pas faire d’interventionnisme, simplement un accompagnement dans la gestion."

Reportage Charlotte Mikolajczakau Kivu Publié dans La Libre le vendredi 14 juillet 2017