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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Le Bhoutan et le Bonheur National Brut
Les clefs du bonheur ?
Article mis en ligne le 26 juin 2014

 Le 20 mars 2013 était la première journée internationale du bonheur. Ce sont les Nations Unies qui l’ont décidé l’an dernier jugeant que la recherche du bonheur est un des objectifs fondamentaux de l’être humain. Les 193 Etats membres de l’organisation sont invités à sensibiliser leur population à cette idée.
 L’Université catholique de Louvain a remis, lundi à Bruxelles, le titre de docteur honoris causa à Jigme Thinley, l’un des artisans du concept de Bonheur national brut (BNB) qui inspire aujourd’hui les Nations unies dans sa quête d’un développement harmonieux.
 Rencontre avec Jigme Thinley : entretien Sabine Verhelst, La Libre, Publié le mardi 04 février 2014
 Echos de la conférence "Expériences du sud pour un nouveau paradigme de développement" à Louvain-la-Neuve
 Echos de Ekta Parishad et du Forum Mondial sur l’Accès à la Terre

La première journée internationale du bonheur

Le 20 mars 2013 était la première journée internationale du bonheur. Ce sont les Nations Unies qui l’ont décidé l’an dernier jugeant que la recherche du bonheur est un des objectifs fondamentaux de l’être humain. Les 193 Etats membres de l’organisation sont invités à sensibiliser leur population à cette idée. Ca peut paraître un peu gadget comme initiative, mais c’est bien plus sérieux et profond qu’il n’y paraît au point que les économistes s’intéressent de très près à la question.

Tout est parti du Bouthan, petit royaume de l’Hymalaya coincé entre l’Inde et la Chine. Depuis 1972, on n’y calcule plus le PIB (Produit Intérieur Brut) pour juger de la richesse du pays, mais bien le BNB... le Bonheur National Brut, un indice basé sur les principes de bonne gouvernance, de gestion économique et environnementale responsable et de soutien à la culture. C’est cette conception de la vie qui a inspiré les Nations Unies pour faire du 20 mars la Journée internationale du bonheur : la croissance économique seule ne suffit plus à assurer le bien être d’un pays ! Il faut désormais tenir compte d’un développement plus équitable, plus durable, plus équilibré. Les économistes l’ont également compris ! C’est pourquoi, ils cherchent à créer de nouveaux outils pour mesurer ce « mieux vivre » avec un objectif : orienter les politiques nationales...

L’Organisation de Coopération et de Développement Economique a son « indicateur du vivre mieux ». Il se base sur 11 critères : emploi, revenu, logement, liens sociaux, enseignement, environnement, équilibre vie privée-vie professionnelle, gouvernance, santé, satisfaction et sécurité.

Jigme Thinley, l’un des artisans du concept de Bonheur national brut

Le 4 février 2014, l’Université catholique de Louvain a remis, lundi à Bruxelles, le titre de docteur honoris causa à Jigme Thinley, l’un des artisans du concept de Bonheur national brut (BNB) qui inspire aujourd’hui les Nations unies dans sa quête d’un développement harmonieux. "Le bonheur n’est pas une humeur éphémère que vous avez maintenant et que vous n’aurez plus demain. Il s’agit d’un état profond que vous atteignez quand vos besoins intellectuels et physiques sont satisfaits ou que les conditions sociales, écologiques, politiques, culturelles sont en place pour y accéder."

Le soir, conférence organisée à LLN conjointement par la Maison du Développement Durable, l’ UCL, et Etopia (les textes et les vidéos de la conférence sont disponibles sur le site d’Etopia avec Jigme Thinley et P.V. Rajagopal :

"Expériences du sud pour un nouveau paradigme de développement"

J.Y. Thinley
Ex-premier ministre du Bhoutan (2008-2013), Docteur Honoris Causa de l’UCL (2014), acteur clé dans la mise en œuvre du Bonheur National Brut comme indicateur alternatif au PIB. Président du comité de pilotage d’un Rapport pour l’ONU sur un Nouveau Paradigme de Développement (NDP -2013).

P.V. Rajagopal
Disciple de Gandhi et fondateur du mouvement Ekta Parishad qui rassemble des sans-voix de l’Inde (intouchables, paysans sans terre ou victimes de servitude). Mouvement utilisant la « non-violence active » pour promouvoir la justice sociale. Ses marches rassemblent plusieurs milliers de personnes.

Animation : Isabelle Cassiers professeur à l’UCL et chercheur qualifié FNRS

Rencontre avec Jigme Thinley

ENTRETIEN SABINE VERHEST, La Libre, Publié le mardi 04 février 2014

Extraits

Vous avez pris la tête en 2008 du premier gouvernement démocratiquement élu au Bhoutan. De quelle manière avez-vous fait progresser le Bonheur national brut durant votre mandat de cinq ans ?

La responsabilité de l’Etat est de mettre en place les conditions nécessaires pour que, si une personne souhaite le bonheur, elle ait une chance raisonnable de pouvoir l’atteindre. Nous avons placé la notion de Bonheur national brut au centre de nos politiques publiques, ainsi que du système éducatif. D’une préoccupation de l’Etat, c’est devenu une philosophie guidant aussi les entreprises, la société civile, les autorités locales. Nous avons veillé à ce que le BNB soit central.

Le rapport annuel sur l’état de la nation est structuré sur base des quatre piliers du Bonheur national brut :
 le développement socio-économique équitable et durable,
 la conservation du fragile environnement himalayen,
 la promotion de la culture et des valeurs humaines,
 la bonne gouvernance.
Il évalue la manière dont nous avons progressé dans la mise en place des conditions requises permettant aux citoyens d’atteindre le bonheur s’ils le veulent.

Le revers de la médaille de la démocratie est que vous avez perdu les élections de 2013. Votre successeur Tsering Tobgay s’est montré critique à l’égard de votre travail, relevant que vous parliez beaucoup de bonheur mais que les inégalités restaient fortes, que le taux de chômage était élevé, que la dette l’était aussi, la devise instable et la corruption présente. Comment réagissez-vous au tableau noir que dresse l’actuel chef du gouvernement ?

Cela montre que notre démocratie a beau être jeune, elle se porte bien ! Si le parti d’opposition était resté muet ou admirait le gouvernement, vous auriez pu vous interroger sur la santé de notre démocratie. Tsering Tobgay a fait ce qu’une opposition typique doit faire en démocratie : critiquer le gouvernement. Il a raison sur certains points, mais pas nécessairement sur tous.
Nous avions par exemple promis d’améliorer les conditions socio-économiques de manière équitable et durable. Nous avons relié chaque foyer à l’électricité, rendu l’eau potable accessible à toutes les familles, mis des services de santé de base à portée de tous, permis la scolarisation de tous les enfants, développé la connectivité mobile et internet, construit des routes vers tous les villages majeurs.
Nous avions fait ces promesses, pour rencontrer les besoins des gens, et nous les avons tenues. Mais nous avons perdu les élections !
Le jour où les résultats électoraux sont tombés, j’ai été heureux. Je ne suis pas entré en politique pour être au pouvoir, mais parce qu’on m’a exhorté à le faire alors que la démocratie venait d’être instaurée et qu’on avait besoin de personnes expérimentées. Je m’y suis engagé pour construire la démocratie. Les électeurs ont choisi un nouveau parti et je me suis dit que la démocratie fonctionnait bien.

L’un des défis socio-économiques reste de fournir de l’emploi aux jeunes…

Quand nous sommes arrivés au pouvoir, le taux de chômage était de 4,2 %. Nous l’avons descendu à 2,3 %. Ce qui reste élevé pour le Bhoutan. Surtout que le taux de chômage des jeunes est de 7 %, soit beaucoup trop. Nous n’avions pas de chômage avant ! Je suis donc ravi que le nouveau gouvernement s’y attelle.

Comment réconcilier le fait que, d’un côté, vous faites la promotion de la diversité et que, de l’autre, le Bhoutan a expulsé cent mille Népalais dans les années 90 ?

Nous faisions face à un flot terrible de migrants illégaux à cette époque. Nous avons identifié ceux qui avaient le droit d’être là et ceux qui ne l’avaient pas. Mais, depuis, nous avons accueilli beaucoup de Népalais et nous leur avons donné des droits. Nous avons construit un temple hindou dans la capitale. Sur dix ministres de mon gouvernement, deux étaient d’origine népalaise, en charge de l’Education et de la Communication.

P.V. Rajagopal, fondateur du mouvement Ekta Parishad

A propos de Rajagopal P. V. voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Ekta_Parishad

P.V. Rajagopal a annoncé, lors de sa conférence, la réédition de sa fameuse marche mais cette fois sur le plan mondial, un projet colossal prévu pour l’automne 2015, en lien avec le
brun[]FORUM MONDIAL SUR L’ACCÈS À LA TERRE ET AUX RESSOURCES NATURELLES (FMAT 2015).

Voir l’Appel du forum mondial dans un autre article de Larcenciel.

"Le point culminant de la campagne Ekta Parishad est une marche qui regroupe 25 000 personnes pendant 26 jours (du 2 octobre 2007 au 28 octobre 2007) dans le Nord de l’Inde, entre Gwalior (État du Madhya Pradesh) et Delhi (la capitale). À l’arrivée à Delhi, de nombreux activistes indiens ainsi que 100 000 participants attendront les marcheurs pour une manifestation pacifique. Cette marche est d’une envergure sans précédent : c’est le plus grand mouvement de plaidoyer pour les droits des Sans terre depuis le combat de Gandhi et l’indépendance de l’Inde.
Cette marche est aussi l’aboutissement de trente années de combat et la convergence de multiples actions pour la défense des droits à la terre :
 La mise en place d’un Comité pour une Campagne Foncière Nationale afin de bâtir un réseau national et international autour des droits fonciers
 La mise en place d’une plate-forme : Land First International (LFI), qui fait du lobbying dans les différents pays en développement pour la défense des droits à la terre. Cette plate-forme a été lancée lors du Forum Social Indien de 2004.

En décembre 2005, une délégation a rencontré le Premier Ministre indien et le président de la Commission des Finances pour présenter une "Nouvelle vision de la réforme agraire". Ekta Parishad a mis en avant le besoin de créer une Autorité Foncière Nationale pour assurer un bon fonctionnement des autorités foncières étatiques. Le mouvement a aussi présenté la nécessité de lancer des tribunaux rapides pour résoudre urgemment els conflits fonciers.

En nombre, les principales réussites d’Ekta Parishad sont :

  • l’acquisition de 347 000 terres pour les paysans sans terre du Madhya Pradesh et de 3000 pour ceux du Chhattisgrah
  • la prise en compte de 580 000 crimes commis contre des tribus vivant dans les forêts
  • le lancement d’une force d’action dans 4 états : Madhya Pradesh, Chhattisgarh, Orissa et Bihar
  • la présentation de pétitions à la Cour Suprême, concernant 4,75 millions d’acres et 2 millions de personnes.

En octobre 2012, Ekta Parishad a organisé une deuxième marche, Jan Satyagraha 2012, avec 50 000 participants." (Wikipedia)

Je vous recommande le très beau film La marche des gueux, documentaire de 53 minutes qui retrace cette aventure d’Ekta Parishad et Janadesh.