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Michel Simonis

CETA : la Wallonie en pointe
Article mis en ligne le 24 octobre 2016

Eh oui, la Wallonie fait cavalier seul. Elle essuie les quolibets de partout, et pourtant, si on cherche bien à comprendre, nous ne pouvons qu’approuver la résistance et être fier d’être wallon.
Voici quelques éléments de réponse. Qui justifient que je mette cet article dans la rubrique "PENSER POUR DEMAIN".

« La question qui se pose ici est de savoir quelle mondialisation nous voulons. Ce traité est un précédent qui fixera les standards des futures négociations menées par l’Union avec les Etats-Unis ou le Japon, par exemple. Nous devons aller au bout des choses pour fixer des standards de très haut niveau. » (Paul Magnette)

Voici des extraits d’un article du journal "LE TEMPS" de Genève, et un article paru vendredi dernier dans le journal "Libération". Je suis aussi allé voir ce WE ce qui se dit dans la presse canadienne.

1. Extrait de la Presse canadienne, ce WE : "Accord Canada-UE : la Wallonie « déçue » par la nouvelle proposition" -

2. Extraits du journal LE TEMPS de Genève - vendredi 21 octobre 10h.

3. L’article du journal LIBERATION - vendredi 21 octobre 20h.

1. Accord Canada-UE : la Wallonie « déçue » par la nouvelle proposition
23 octobre 2016
(Extraits)

"La Wallonie voit dans le CETA, qui concerne plus de 500 millions d’Européens, les prémices du traité TTIP (ou TAFTA), très impopulaire, que l’UE négocie très laborieusement avec les États-Unis, et réclame plus de garanties face aux puissantes multinationales."

(...) Les services de la Commission européenne ont de leur côté transmis dimanche matin deux textes - obtenus par l’AFP - au chef du gouvernement wallon, le socialiste Paul Magnette, et au représentant permanent de la Belgique auprès de l’UE, selon un diplomate européen.

Le premier texte d’une page et demie contient un projet de déclaration possible du Royaume de Belgique concernant la protection des investissements « qui contient toutes les réserves dont M. Magnette a fait part », a expliqué le diplomate.

Cette question est en effet l’une des plus sensibles du CETA : elle a trait à la possibilité donnée aux multinationales investissant dans un pays étranger de porter plainte contre un État adoptant une politique publique contraire à leurs intérêts.

Le traité prévoit la création d’un tribunal permanent composé de 15 juges professionnels nommés par l’UE et le Canada, dont toutes les auditions seraient publiques. Mais les ONG jugent que cette concession ne va pas assez loin et craignent que ces « pseudo-juges » soient des avocats d’affaires liés à des cabinets privés.

Et M. Magnette a répété vendredi - jour où la Belgique et l’UE espéraient un Oui wallon - qu’« il restait des difficultés à ce sujet ».

Le second texte transmis à M. Magnette est « un questions/réponses de quelques pages « qui répond dans une langue compréhensible à toutes les questions posées par le Parlement wallon », selon le même diplomate.

Les deux documents envoyés à Paul Magnette doivent être soumis ensuite au Parlement de Wallonie, spécifiquement devant la commission chargée des Affaires européennes de l’assemblée régionale, pour approbation.

Joint par l’AFP, le porte-parole du président du Parlement wallon a confirmé qu’aucune réunion n’était prévue pour l’instant dimanche.

Dans un entretien dimanche à la télévision belge RTL, le chef du Parti socialiste (PS) francophone belge et ex-premier ministre belge, Elio Di Rupo, qui est du même parti que M. Magnette, a déclaré : Je ne crois pas qu’il soit possible de signer le CETA jeudi »

La Wallonie voit dans le CETA, qui concerne plus de 500 millions d’Européens, les prémices du traité TTIP (ou TAFTA), très impopulaire, que l’UE négocie très laborieusement avec les États-Unis, et réclame plus de garanties face aux puissantes multinationales.

http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201610/23/01-5033355-accord-canada-ue-la-wallonie-decue-par-la-nouvelle-proposition.php


2. Article du journal LE TEMPS
21 octobre 2016 - 11h.
(Extraits)

La Commission et les milieux d’affaires s’inquiètent, les antimondialistes exultent. D’ultimes négociations sont encore prévues tout le week-end. La presse est partagée

Le Soir : "Des progrès ont été faits mais pour nous à ce stade, les avancées ne sont pas suffisantes, notamment dans les questions qui concernent les entreprises américaines, par exemple, qui sont installées au Canada et qui bénéficieraient du système ». Conclusion en forme d’éditorial du journal : Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères, peut ranger son stylo."

D’où les intenses pressions qu’a subies le Wallon. « Paul Magnette n’a pas fait mystère « des menaces à peine voilées » auxquelles la Wallonie est soumise, écrit « Le Soir ». Mais c’est au nom des principes que la Région s’avère intransigeante : la démocratie mise à l’honneur au cours de nombreuses heures de débats parlementaires et le respect des attentes de la société civile dans un monde où la rupture entre les citoyens et la politique est largement consommée.

La presse altermondialiste exulte – comme Bastamag. Alors que la question est posée. Une petite région peut-elle s’opposer à 28 pays, même si c’est celle qui a donné Hergé et Magritte au monde ? Le caillou wallon peut-il mettre à l’arrêt la chaussure européenne ? « Il faut se rendre à l’évidence : la petite région belge s’est comportée en adulte, pas en victime consentante d’une Europe bulldozer. Cela force au moins le respect et cela inspirera peut-être d’autres autorités politiques » estime Le Soir. « La particularité wallonne, c’est que notre parlement a voulu utiliser ses prérogatives. Et que cela plaise ou non, cette assemblée a le même pouvoir constitutionnel qu’un Etat membre », se justifie le ministre-président toujours dans Le Monde, soulignant que « ce qui alimente aujourd’hui la crise de l’Europe, c’est la manière de négocier des textes d’une telle importance ». Les francophones belges n’ont-ils pas trop tardé à exprimer leurs griefs ? « Non. Nous avons reçu la version définitive il y a moins d’un an et j’ai alerté la commissaire sur tous les problèmes qu’il nous posait dès le 2 octobre 2015. La première réaction m’est parvenue le 4 octobre… 2016, à vingt-trois jours du sommet avec le Canada. » Ambiance…

Faire l’histoire ?

Sur la Toile en tout cas, où les antilibéraux sont traditionnellement très loquaces et organisés, le coup d’éclat des Wallons est salué. (...) Négociations opaques et donnant trop de pouvoir aux compagnies, rappel que 80 eurodéputés ont signé un appel en soutien des Wallons… « Vous faites l’Histoire… Ne cédez pas… Nous sommes avec vous » écrivent des centaines d’anonymes, qui diffusent des appels à signer des pétitions.

Il y a le fond du dossier, qui divise – le libre-échange est-il une bonne chose ? Le CETA n’est-il pas un cheval de Troie du TAFTA (ou TTIP), l’accord de libre-échange avec les Américains ? Les réponses divergent. Il y a aussi les analystes qui pointent les calculs de politique interne de Paul Magnette.

Mais sur la forme des négociations, les voix sont majoritaires pour dire qu’elles ont été opaques voire non démocratiques. Le Vif L’Express analyse : « En barrant le CETA, la Wallonie se la joue Astérix le Gaulois. Au-delà de l’image sympathique, cette opposition francophone, très critiquée par l’UE et le gouvernement canadien, constitue un révélateur de l’état de santé démocratique de l’Europe. Diagnostic : pas brillant […] Est-ce choquant de refuser d’avaliser un accord au moment de le signer ? Pourquoi alors demander aux Etats (et aux régions qui les composent) de parapher un tel accord si la possibilité de dire « non, il faut continuer à discuter » semble si choquante ? Cela revient à dire que l’exercice démocratique lui-même est choquant […] Ce sont donc plutôt les pressions, les ultimatums et les menaces à peine voilées, de la Commission européenne sur Paul Magnette qui s’avèrent indignes. Et surtout aveugles. Car les institutions européennes n’ont jamais semblé aussi éloignées des citoyens qu’aujourd’hui, le Brexit l’ayant démontré de manière remarquable. »

« C’est étonnant de voir que la Commission essaie de tordre le bras à la Wallonie alors qu’elle ne fait pas la moitié de ces efforts en Hongrie et en Pologne, où les valeurs européennes sont piétinées.

Ce n’est pas une façon de restaurer la confiance en l’Europe, commente à son tour le politologue Jean-Michel DeWaele sur le site Euractive. Si la Commission trouve un moyen légal pour passer outre la Wallonie, cela ne fera qu’éroder un peu plus la confiance en l’Europe dans une région traditionnellement europhile ». Et de conseiller de renvoyer la signature à un peu plus tard, en décembre. « Les Wallons ont eu le culot d’examiner le texte à fond et d’en débattre, ils nous font à nous tous une faveur », estime l’économiste Paul de Clerck, des Amis de la Terre Europe, sur le même site.

https://www.letemps.ch/


3. L’article du journal LIBERATION
vendredi 21 octobre 20h.

La région wallonne a mis son veto, vendredi, à la signature du traité entre l’Europe et le Canada. Un échec de l’UE et une victoire pour les opinions publiques.

Libre-échange : Waterloo pour le Ceta

Le cauchemar de la Commission a pris forme : la politique commerciale extérieure de l’Union européenne mise en péril par un petit Parlement subnational représentant moins de 1 % de la population européenne. La Wallonie, une des trois entités fédérées belges avec la Flandre et la région bruxelloise, a en effet, en dépit des intenses pressions de l’exécutif européen et des vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement réunis pour un sommet à Bruxelles jeudi et vendredi, fermement maintenu son veto à la signature, par le gouvernement belge, du Ceta, l’accord de libre-échange conclu avec le Canada.

Or il faut les vingt-huit signatures des Etats membres pour que l’Union et le Canada puissent le signer à leur tour, le 27 octobre, avant que la ronde des ratifications parlementaires ne commence. La crainte de la Wallonie est surtout que le Ceta soit le cheval de Troie des entreprises américaines ayant une filiale au Canada qui leur permettrait de disposer des avantages du futur Tafta, le traité de libre-échange en cour de négociation avec les Etats-Unis, mais sans les contraintes du Tafta…

« Moment de rupture »

« Nous ne bloquons pas pour le plaisir, mais parce que nous sommes dans un moment de rupture ou face à un saut qualitatif comme l’histoire de la démocratie en a connu », a plaidé Paul Magnette, le ministre président de la Wallonie, qui fut longtemps professeur de sciences politiques et l’un des meilleurs spécialistes de l’Union : « La question qui se pose ici est de savoir quelle mondialisation nous voulons. Ce traité est un précédent qui fixera les standards des futures négociations menées par l’Union avec les Etats-Unis ou le Japon, par exemple. Nous devons aller au bout des choses pour fixer des standards de très haut niveau. » De fait, le Ceta fait partie des accords dits de nouvelles générations (comme ceux conclus avec la Corée du Sud ou Singapour), qui visent à faciliter les échanges en harmonisant ou en reconnaissant mutuellement les normes (techniques, environnementales, sanitaires, phytosanitaires, etc.), et non plus seulement en abaissant les barrières tarifaires ou non tarifaires.

Sans la négociation du Tafta (TTIP), lancée en 2013, il est probable que le Ceta, conclu avec un pays proche des standards européens, serait passé comme une lettre à la poste. Mais le mastodonte américain a fait prendre conscience à une partie sans cesse plus importante des opinions publiques européennes des risques, justifiés ou non, que font peser ces accords sur leur modèle social, sanitaire ou environnemental. Le Ceta a été emporté par la vague anti-Tafta, comme le reconnaît d’ailleurs Magnette. La Commission et les Vingt-Huit ont beau assurer qu’ils veillent aux intérêts des citoyens et que le « soldat » Ceta doit être sauvé à tout prix… rien n’y a fait. Car leur bilan ne plaide pas en leur faveur : de l’admission de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à l’incapacité à se défendre face à la concurrence déloyale des émergents en passant par des promesses de lendemain qui chantent jamais concrétisées, tout cela a laissé des traces profondes en Europe, et pas seulement en France. S’ajoute à cela la résurgence de l’antiaméricanisme, notamment allemand, attisé par les affaires d’espionnage politique et industriel. Et, cerise sur le gâteau, la crise permanente entre francophones et néerlandophones de Belgique, qui accouche d’une réforme constitutionnelle tous les huit ans en moyenne, a encore compliqué la tâche des libre-échangistes. La sixième réforme de l’Etat, entrée en vigueur en 2014, a donné le pouvoir aux six Parlements des entités fédérées de s’opposer à la signature (mais aussi à la ratification ultérieure) des accords commerciaux touchant aux compétences des régions. C’est ainsi que la Wallonie s’est retrouvée aux commandes dans cette atmosphère délétère, avant même que les autres Parlements nationaux et régionaux de l’Union (une quarantaine) n’aient eu à ratifier le Ceta, puisqu’on n’en est pas encore à ce stade de la procédure. Elle n’a pas laissé passer l’occasion de faire parler d’elle.

« De plus en plus inquiets »

Le plus beau est que l’Union aurait pu éviter ce pataquès belgo-européo-canadien : c’est à la demande de certains Etats, notamment de la France et de l’Allemagne, que la Commission a accepté, en juillet, de qualifier le Ceta, d’accord « mixte », c’est-à-dire touchant à des compétences nationales, alors que selon elle ce n’est pas le cas (et donc il aurait au départ suffi d’un accord du Conseil des ministres et, depuis le traité de Lisbonne, du Parlement européen). Mais Berlin et Paris, qui voulaient impliquer leur Parlement national dans la boucle, ont oublié les parlements subnationaux… Et surtout, ils ne savaient pas qu’en Belgique, c’était la signature du traité lui-même qui pouvait être bloquée, ce qui empêche même son entrée en vigueur provisoire, comme cela est de coutume. Vendredi, François Hollande s’est donc employé à défendre comme un beau diable un traité qu’il a lui-même contribué à plomber… Devant la détermination wallonne, Donald Tusk, le président du Conseil européen, a reconnu à contrecœur que « nos citoyens sont de plus en plus inquiets du fait de savoir si les accords commerciaux que nous négocions sont dans leur meilleur intérêt. Je crains que nous ne soyons plus en mesure de continuer à négocier si nous ne prouvons pas en pratique que nous prenons la protection des consommateurs très sérieusement ». Si le Ceta, dont l’avenir semble compromis, est le prix à payer pour qu’enfin les dirigeants nationaux et européens comprennent qu’il y a un problème en Europe, ce ne sera pas cher payé. « Ce n’est pas parce qu’on est seul qu’on a forcément tort », a rappelé devant ses députés Paul Magnette.

Jean Quatremer Correspondant à Bruxelles

http://www.liberation.fr/planete/2016/10/21/libre-echange-waterloo-pour-le-ceta_1523569

(note : c’est moi qui ai souligné certains passages MS)

Cet article est aussi sur mon Blog de LARCENCIEL.