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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Rob Hopkins, Comment avez-vous lancé la première "ville en transition" ?
Article mis en ligne le 2 juillet 2014
dernière modification le 26 juillet 2020

L’Europe est en crise, le climat aussi, et on peut encore y ajouter la finance, le monde du travail et nos institutions. Face à cet avenir sombre, voilà donc que fleurissent depuis plusieurs années d’innombrables concepts tels que la décroissance, la durabilité ou l’efficacité énergétique. Notre société, dit-on, doit opérer une transition. Vers quoi ?

Rob Hopkins, enseignant britannique d’une quarantaine d’années, lançait il y a quelques années "les villes en transition". Un réseau international de localités dont l’objectif est simple : relocaliser leurs activités pour limiter leur dépendance à l’extérieur et choisir elles-mêmes leur mode de développement.

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un]On parle sans arrêt de transition et de durabilité, ces notions ont-elles encore un sens ?

La transition ne devrait pas être perçue comme un processus long et difficile. Pour moi, c’est simplement le fait de considérer la crise que nous traversons comme une opportunité de changer les choses. Une occasion historique d’innover et de créer dès maintenant une nouvelle société. Nous sommes tout le temps occupés à nous demander pourquoi les gouvernements et l’industrie ne font pas les choses comme ils le devraient, mais c’est à nous de décider ce que nous voulons pour notre avenir.

Comment faire ? Comment avez-vous lancé la première "ville en transition" à Totnes (Angleterre) en 2006 ?

Nous n’avons pas dépensé la moindre livre sterling. Totnes est une petite ville de campagne de 8 000 habitants qui luttait pour s’en sortir, alors nous nous sommes demandés quel serait le meilleur moyen d’améliorer sa situation. Est-ce que "Apple" viendrait implanter une nouvelle usine chez nous si nous nous rendions plus attractifs ? Probablement pas ! Nous avons donc décidé de mesurer les flux d’argent en circulation au sein de la communauté, ce qui nous a permis de réaliser que les gens dépensaient chaque année 30 millions de livres en nourriture dont 22 millions directement dans nos deux supermarchés. Une somme colossale, immédiatement envoyée en dehors de la ville comme du sable qui glisse entre nos doigts. Les habitants se sont mis d’accord pour réduire de 10 % leurs dépenses en supermarché et réinjecter les deux millions de livres ainsi économisées dans notre production locale. Tout cela a pris un peu de temps mais l’argent accumulé a petit à petit permis de relancer l’activité, et de nouvelles entreprises se sont créées. Totnes offre désormais un avenir bien plus intéressant à mes enfants que si nous avions tenté d’attirer les grandes multinationales en nous pliant à leurs exigences.

Vous insistez également sur la nécessité de produire beaucoup plus d’énergie au niveau local. Jusqu’où cette relocalisation peut-elle aller dans un monde aussi globalisé ?

Soyons réalistes, toutes les localités ne pourront pas être indépendantes énergétiquement et gérer leur propre réseau. Ce serait contre-productif parce que les communautés riches auraient de l’électricité et pas les pauvres. Mais ça n’empêche pas les petites villes d’avoir leurs infrastructures et de produire une quantité de plus en plus importante d’énergie pour l’injecter ensuite dans le réseau national. Non seulement ça permettrait d’amortir le choc énergétique que l’on se prépare à affronter, mais en plus cela ferait circuler plus d’argent au sein des communautés, ce qui est fondamental. Plus les communautés parviennent à bénéficier de leur capital, plus elles contrôlent leur futur et plus elles peuvent résoudre les crises auxquelles elles seront confrontées. Je ne dis pas que Bruxelles doit produire toute son alimentation, son énergie, ses vêtements et ses propres ordinateurs. Mais certaines choses peuvent être relocalisées plus rapidement que d’autres. Et si on envisage tout cela avec un certain esprit d’entrepreneuriat, le potentiel économique est énorme.

Cela ne va-t-il pas à l’encontre du projet européen qui tente justement de construire un grand espace commun ?

Je pense au contraire que cela représente une vision conforme à l’Union européenne telle qu’elle a été fondée. Le fait de trouver les mêmes produits partout en Europe dans les mêmes supermarchés n’est pas la diversité promise. l’Italie a encore cette culture identitaire avec des villages qui produisent la meilleure huile d’olive au monde, et d’autres juste à côté qui ne font que du vin, mais c’est en train de se perdre. Il faut absolument préserver cette diversité, et renforcer les localités est un excellent moyen de le faire.

Pour ensuite forcer l’industrie à s’adapter ?

C’est là que l’Europe intervient, il faut clairement une législation plus forte. Mais tout cela commence effectivement avec les citoyens lorsqu’ils décident de ne plus soutenir la vision que l’industrie nous impose. Il suffit, par exemple, d’acheter un livre dans une librairie et pas chez Amazon, de prendre son café dans un établissement local et pas chez Starbucks, de choisir une autre banque,… Quand tout cela prend de l’ampleur je peux vous dire que les effets se font sentir.

Un tel processus de transition est-il envisageable partout dans le monde, ou est-ce un concept propre à une Europe aux abois ?

C’est un processus récent mais on recense déjà "des villes en transition" dans 44 pays à travers le monde dont la Belgique. Il y a des groupes de transition dans les favelas brésiliennes, d’autres dans les townships sud-africains et ça ne pose absolument aucun problème parce que ce modèle est totalement autogéré, chacun organise sa transition comme il l’entend, selon ses normes culturelles et sociales.

Un ENTRETIEN avec VALENTIN DAUCHOT, Publié le vendredi 09 mai 2014 dans La Libre

Voir dans LARCENCIEL, un article sur les Villes en Transition.
Y voir aussi http://miramap.org/IMG/pdf/couv_HS2_06.pdf