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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Une Belge dans la jungle équatorienne
Article mis en ligne le 4 novembre 2013
dernière modification le 26 juillet 2020

Témoignage

Mais comment un Kichwa de Sarayaku a-t-il bien pu se retrouver à Liège pour y présenter un documentaire sur sa communauté ? Dans le cas de José Gualinga, il faudrait plutôt se demander comment une jeune Belge s’est retrouvée au fin fond de l’Amazonie, il y a vingt-cinq ans.
L’histoire commence fin des années 80. Fraîchement diplômée en agronomie tropicale, Sabine Bouchat fait ses bagages pour la Colombie avant de rallier l’Equateur avec la ferme intention d’y travailler quelque temps. A peine arrivée sur place, elle apprend que le projet de pisciculture qu’elle est censée rejoindre a fini par être abandonné mais entend parler d’un village isolé au cœur de l’Amazonie bien connu des défenseurs de communautés indigènes. L’annonce est intrigante, Sabine débarque à Sarayaku et finit par tomber sous le charme d’un jeune Equatorien kichwa : José Gualinga.

Vivre en communauté

Passé le stade de l’amourette exotique, tous deux emménagent dans la capitale de la province de Pastaza avant de passer par la Belgique, et de définitivement regagner le cœur de l’Amazonie équatorienne au début des années 90. "Quand je rentre en Belgique, les gens sont persuadés qu’on vit tout nu dans des arbres et vont même jusqu’à me demander si ‘c’est mieux’ avec un Indien , s’amuse la jeune femme. Les maisons sont faites de bambou et de feuilles de palme, le village est relié à Internet loin des stéréotypes, mais la nature est partout et les différences culturelles évidentes . Ma première année à Sarayaku , ajoute Sabine Bouchat , je ne connaissais rien ! Ni la langue, ni les traditions, ni la cuisine,… Tout est, par exemple, cuit au feu de bois. Les premiers mois, je me suis brûlée des dizaines de fois. Mais ce qui a sans doute été le plus difficile à intégrer, c’est la vie en communauté. Les Kichwa vivent à l’extérieur en permanence. Les femmes et les hommes mangent en deux groupes séparés et la répartition des tâches est bien plus segmentée qu’en Belgique. Les femmes travaillent dans les champs, enfantent, et ont un contact très proche de la nature. Pour moi, elles incarnent la fertilité au sens large du terme. Ça peu paraître étonnant pour un Occidental mais cette répartition n’est pas toujours aussi rigide dans les faits, et cela reste très différent de la culture métisse où la femme aura plus tendance à devoir rester au foyer pour éduquer la progéniture." Que pense la communauté de l’arrivée d’une blanche dans une culture qui n’est pas la sienne ? "Mon intégration a pris un peu de temps, mais je n’ai eu aucun problème à Sarayaku , répond Sabine Bouchat. Dans les villes, en revanche, le racisme est très présent. Les blancs dominent encore la société équatorienne et les peuples autochtones sont situés tout en bas de la hiérarchie, derrière les métisses, les Créoles, et les Afro-Américains. Alors, quand un Indien se marie avec une blanche, on nous regarde avec une certaine agressivité et l’air de nous demander comment une blanche pu se mettre avec ce sauvage !"

"Tu te reconnais comme blanc ou métisse ?"

Sabine et José ont deux enfants, Samai 24 ans, et Wio 16 ans, inévitablement partagés entre deux cultures. "Lors des recensements, les autorités demandent aux Equatoriens s’ils se reconnaissent comme blanc, métis ou indien. Ma fille Samai, partie étudier à Quito a estimé qu’elle était métisse et vit quotidiennement cette dualité de culture. C’est difficile parce qu’elle est tantôt appréciée parce qu’elle a une mère blanche, tantôt dédaignée pour son père indien. Wio, lui, est encore à Sarayaku avec nous et n’a pas hésité une seule seconde à cocher la case ‘Indien’ ."

Ont-ils un avenir dans le village ?

"Tous les enfants du village vont au collège, et ceux qui obtiennent une bourse parviennent à accéder à l’université dans une grosse ville mais le système éducatif est cher et inégal. Plus on s’éloigne de Quito, plus les moyens manquent." Trouver du travail en ville est tout aussi difficile. "Très peu d’Indiens sortent des organisations indiennes qui s’entraident et fournissent du travail , poursuit Sabine Bouchat. L’objectif de Sarayaku est justement de parvenir à créer sur place tout ce qui permettrait à ses membres d’y vivre et d’y travailler. Celui qui travaille ne mourra jamais de faim mais la grande majorité de la production est destinée à l’autoconsommation, pas au commerce. On cherche vraiment à développer d’autres activités pour que chacun puisse travailler et rester dans le village. Beaucoup de jeunes partent et reviennent. Mais s’ils le désirent, mes enfants pourront venir en Belgique, même s’ils ne savent pas encore à quoi y ressemble la vraie vie." V.D.

VALENTIN DAUCHOT Publié dans LLB le vendredi 04 octobre 2013.

http://www.lalibre.be/archive/une-belge-dans-la-jungle-equatorienne-524e387735703eef3a0e1b5b

VOIR AUSSI l’article "Le peuple de Sarayaku victime de son pétrole"