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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Vandana Shiva : pour la liberté et la dignité des paysans

Vandana Shiva est physicienne et docteur en philosophie. Pour lutter contre la privatisation des semences agricoles, pour la liberté et la dignité des paysans elle a fondée l’association « Navdanya ». Vandana Shiva a reçu le prix Nobel alternatif en 1993.

Article mis en ligne le 10 juillet 2013
dernière modification le 26 juillet 2020

Classée parmi les cent femmes les plus influentes de la planète par The Guardian en mars 2011, Vandana Shiva fait partie des militantes et intellectuelles fondatrices de l’altermondialisme. Elle privilégie l’action locale. Comme à Bija Vidyapeeth, sa ferme biologique dotée d’une « banque de graines ».

« L’énergie nucléaire est conçue pour la guerre », déplore Vandana Shiva. Elle vient d’apprendre que la situation continuait de se détériorer au Japon où le gouvernement mettait en garde ses voisins contre une éventuelle contamination. L’énergie nucléaire perdure uniquement parce que « quelques-uns y gagnent beaucoup d’argent », soupire cette diplômée de physique et de philosophie.
Selon elle, la logique qui préside au développement du nucléaire est la même que celle qui oppresse les femmes et menace l’environnement. « Il existe deux façons de penser l’alimentation, l’énergie, la terre… », estime-t-elle. La première est celle « du profit, de la domination et de la guerre ». La seconde est celle « de la paix, de l’harmonie et de l’équilibre ». Vandana a choisi son camp et se revendique « écoféministe » : « C’est un capitalisme patriarcal de domination et d’exclusion qui provoque de telles situations », s’emporte-t-elle, brandissant un poing où brille une bague en spirale, symbole du cycle perpétuel de la vie.

« Les pesticides sont des armes de guerre »

C’est dans l’écologie qu’elle a fait ses premières armes d’activiste. Au milieu des années 1970, alors qu’elle a à peine 20 ans, elle s’engage avec le mouvement Chipko. Ce dernier regroupe des villageois qui s’opposent à la destruction des forêts de l’Uttarakhand et revendiquent leur propriété. Soutenu par le philosophe gandhien Sunderlal Bahuguna, source d’inspiration pour Vandana Shiva, ce mouvement non-violent s’est illustré par son mode d’action : des femmes enlaçaient les arbres pour empêcher leur abattage. Une mouvement féministe qui a marqué les esprits et préfigure l’écoféminisme de Vandana Shiva.
Au fil des années, son combat s’apparente de plus en plus à une lutte contre une certaine idée du progrès venue d’Occident. Un progrès qui s’est manifesté dans l’agriculture indienne sous la forme de la « révolution verte » : utilisation de semences améliorées, mécanisation et usage de pesticides et engrais. « Les pesticides tuent aussi, rappelle-t-elle, comme à Bhopal (la plus grave accident industriel de l’histoire indienne). Ce sont même des armes de guerre, comme l’ « agent orange » de Monsanto (pesticide utilisé comme arme par les Américains dans la guerre du Vietnam). » Son ennemi juré est la célèbre firme agro-industrielle et ses semences. Car son combat se porte sur le terrain de la propriété intellectuelle. Non au brevetage du vivant. Non aux organismes génétiquement modifiés. « Ils parlent de « remplacement de graines », mais les graines ne sont pas comme des chaussettes sales et trouées, raille-t-elle, dressée dans son sari vert. Vous ne pouvez pas les remplacer, elles sont irremplaçables. Diminuer la diversité des semences, c’est diminuer la vie. »

« Les concepts occidentaux ne répondent pas à nos problèmes »

Contre ces méthodes, Vandana Shiva propose de changer « les pratiques et les paradigmes de l’agriculture » dans son pays, en remettant à jour des savoirs et des techniques traditionnels. Son refus d’un modèle strictement occidental a motivé la création en 1982 de sa Fondation de recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles. Elle s’attache à transmettre les traditions en organisant le dialogue intergénérationnel, comme avec l’ « Université des Grand-mères » qu’organise son association Navdanya.
« Elle a su nous faire prendre conscience que les technologies et les concepts scientifiques occidentaux ne répondaient pas aux problèmes des pays en voie de développement », explique Margaret Alva, gouverneure de l’Uttarakhand, qui a fait le déplacement pour inaugurer l’Université. C’est dans cette logique de sauvegarde de la biodiversité que Vandana Shiva a fondé Bija Vidyapeeth (« l’école des graines » en hindi) à quelques kilomètres de Dehradun, sa ville natale et la capitale de l’Uttarakhand. Sur un terrain épuisé par des années de monoculture de l’eucalyptus, plus de 600 espèces de plantes, dont 250 variétés de riz y ont poussé. L’activiste a créé au total 55 « banques de graines », à travers l’Inde. Un moyen de « sensibiliser les paysans » et de leur permettre de résister aux semenciers qui les convainquent à coup de « vidéos utilisant la religion, l’image de Superman ou celle du millionnaire ».

« Crime contre l’humanité »

Cette volonté de défendre les cultures traditionnelles et la biodiversité face aux semences améliorées, elle la porte jusque sur la scène internationale. Elle a signé en 2001 une lettre ouverte au parlement mexicain pour réclamer qu’il reconnaisse constitutionnellement les peuples autochtones pour avoir « nourri et conservé la biodiversité naturelle et culturelle ». Quatre ans plus tard, elle réitère au Moyen-Orient, en paraphant une autre déclaration qui qualifie de « crime contre l’humanité » l’arrêté 81 de l’administrateur américain en Irak, Paul Bremer. Ce texte interdit aux agriculteurs irakiens d’utiliser d’anciennes variétés de semences, les plaçant ainsi de facto sous la dépendance des grands semenciers occidentaux.
Son dernier engagement est plus concret que ces dénonciations restées lettres mortes. Le Bhoutan vient en effet de faire appel à elle pour la conseiller. Le petit royaume himalayen rêve d’atteindre un double objectif : celui de la souveraineté alimentaire et d’un pays 100 % bio. Un véritable défi pour Vandana Shiva et une occasion de mettre en pratique ses idées à l’échelle d’un Etat.

Vandana Shiva, une Indienne contre la multinationale Monsanto
Photos Colin FOLLIOT, à Bija Vidyapeeth
TAGS : agriculture, altermondialisme, écologie, environnement, féminisme, Vandana Shiva