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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Mémoire du numéro 59...
En guise d’éditorial
Article mis en ligne le 29 mai 2007
dernière modification le 26 octobre 2023

Editorial

A Pâques, j’ai participé avec une douzaine d’enseignants à une "mission" là-bas : rencontrer, soutenir, confirmer des contacts antérieurs et des actions de formation, découvrir et de témoigner de la situation vécue quotidiennement par ce peuple qui se sent abandonné de tous. (voir les objectifs de ces voyages-missions)

Comme les autres membres de la mission, j’en suis revenu très secoué, et bouleversé. Moi qui croyait être un peu au courant de la situation au Moyen-Orient, ce que j’ai vu et entendu là-bas m’a ouvert les yeux tout grands sur une réalité difficilement imaginable d’ici, tellement la réalité est occultée, tellement nous sommes mal informés.

Un déni de conscience ? une volonté de ne pas voir ? une sorte de paralysie de l’information et du jugement ? Ce n’est pas la moindre des questions que nous avons ramenées de là-bas. Comment expliquer cet aveuglement de la presse, de nos responsables politiques, du grand public ?

Alors que dans la population occidentale, encore aujourd’hui "Palestinien" = terroriste, on se trouve en réalité là-bas devant un peuple qui souffre en silence, qui crie dans le désert, "trop gentil" nous disait quelqu’un à Jérusalem, et assez fataliste, témoin cette mère de famille consolant sa fille devant les soldats israéliens empêchant l’ambulance de passer, et donc la fille de se rendre à l’hôpital : "Inch Allah, ma fille, Dieu les punira pour ce qu’ils nous font." C’est une scène forte du film documentaire de l’israélien Avi Mograbi "Pour un seul de mes deux yeux".

En effet que faire face à la force brute du plus fort, quand on est vraiment le plus faible ?

Et la communauté internationale ? Et l’Europe ? Après avoir laissé, par passivité, se développer un drame humanitaire en Bosnie, en train de laisser, par passivité, se développer un drame humanitaire au Darfour, allons-nous bientôt, par passivité, laisser se développer un drame humanitaire en Palestine ?

"Si la paix n’est pas signée, nous a dit quelqu’un, d’ici quelques années tout va exploser."

Or la paix n’arrivera ni du chef des Palestiniens, totalement réduits à l’impuissance, ni du chef d’un Israël tout puissant et assuré d’une totale impunité et du soutien indéfectible des États Unis. Seule une intervention internationale vigoureuse pourra faire avancer les choses. Mais qui le veut vraiment ?

Le peuple Palestinien se sent véritablement abandonné de tous. Il faut dire que c’est un tout petit pays, grignoté de partout par une volonté de conquête territoriale appuyée par tous les partis politiques israéliens : nous avons appris que les premiers plans d’implantation des colonies datent de 1970 et étaient le fait du parti travailliste.

Pourtant, une des constantes que nous avons rencontrées là-bas, est cette volonté des acteurs sociaux et culturels de tabler sur le développement de la citoyenneté, de la solidarité, de la culture et de la créativité, particulièrement chez les jeunes, les enfants et les femmes, particulièrement seules (il y a tellement d’hommes en prison ou au chômage et donc habités d’un sentiment d’inutilité et d’humiliation !) et souvent démunies face à leurs enfants et leurs ados sous pression.

Préparer les jeunes à assumer un rôle de citoyen actif, créatif, cultivé, dans le futur pays qui ne manquera pas de naître un jour : ici, l’espoir est viscéralement ancré au coeur des acteurs sociaux, et ceux que nous avons rencontré sont animés, au delà de leur frustration et de leur colère, d’une force de vie incroyable : vivre dans une telle situation d’usurpation et d’humiliation continuelle donne aux hommes et aux femmes une maturité qui nous a étonné chaque jour. Un peu comme si le choix était "mourir" (et c’est le choix, extrêmement minoritaire, des "kamikazes") ou survivre de toutes ses forces. "Nos parents se sont laissés faire, ils ont fait l’immense erreur de quitter leur maison. Nous, jamais nous ne quitterons notre pays, jamais "ils" ne réussiront à nous faire partir", c’est le discours que nous avons entendu dans les camps de réfugiés. Le sport, les études, la redécouverte des traditions culturelles, le théâtre, la danse, la création artistique, comme antidote au désespoir.

conclusion

J’ai donc pensé faire un numéro spécial Palestine, un peu pour gérer le choc, mais surtout pour répondre à cette demande si souvent entendue là-bas : "que faites-vous pour faire savoir chez vous ce que nous vivons ici ? Essayez surtout de parler avec vos amis juifs en Belgique, et en Europe. C’est à eux qu’il faut d’abord ouvrir les yeux."

Ce numéro de l’Arc en ciel sera sans doute un des derniers. Il y aura probablement encore cette année un ultime numéro 60, qui clôturera cette aventure de quinze ans. Mais parallèlement, je travaille à la construction d’un site Internet encore en chantier mais que je vous invite déjà à aller visiter. Vous y trouverez déjà l’essentiel de ce numéro spécial Palestine, que vous pourrez donc télécharger.
(Nous y voilà donc...)

Outre l’apport de la couleur (avec une forme imprimable en noir et blanc), il y aura des possibilités d’interaction (forum, blog), des liens réguliers vers ce que j’ai envie de vous faire connaître, peut-être une lettre mensuelle ou bi-mestrielle pour ceux qui s’y affilieront. Bref, je continuerai à faire circuler - autrement – l’information : sur les stages, les coups de coeur, les réflexions qui sortent de l’ordinaire, qui font avancer les choses ou tracent les pistes du futur, qui ouvrent à des problématiques souvent oubliées ou négligées...
(là, ce n’est pas encore tout à fait complet...)

Pour ce numéro-ci, rien que la Palestine. Un cri, un appel. Des rencontres, des récits de voyage, des témoignages, des infos sur les activités, les films, les expositions. Comme illustration, pour ceux qui en ont les moyens techniques, un diaporama sera accessible par Internet ou sur CDRom.

Et un texte de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique, que nous avons particulièrement appuyés auprès de nos ministres.

Michel Simonis

Synthèse

Quand je reprend mes notes de voyage, ces "Rencontres" qui occupent les pages qui suivent, une impression dominante me vient. A travers les quelques rares rencontres dans notre périple, je suis saisi par une impression d’une grande souffrance chez les Israéliens. Une souffrance cachée, un malaise, un mal-être qui met un certain nombre de gens, des jeunes sans doute plus particulièrement, en porte à faux avec ce que leurs gouvernements et leur armée font en leur nom. C’est un peu comme si la société israélienne reflétait comme dans un miroir le sort qu’ils font aux Palestiniens. Seulement un reflet, certes, mais peut-être y a-t-il là comme un effet boomerang.

Il y a tout juste un an, j’étais à Auschwitz. Un voyage dont j’ai eu du mal à me remettre, comme pour ce voyage-ci en Palestine. En fait, nous sommes, en Europe, encore traumatisés par ce qui a été fait au peuple juif. Pas nous directement, mais la société, la culture dont nous sommes tributaires. Cette histoire fait partie de notre identité culturelle. Et je peut comprendre qu’en Allemagne cela soit encore bien plus sensible que chez nous. Il y aurait là aussi une sorte de jeu de miroir : "ce que vous avez fait aux autres, c’est un peu aussi à vous-mêmes que vous l’avez fait".

Le Mur qui enferme les Palestiniens enferme aussi les Israéliens. [1]
Un certain nombre de Palestiniens – ceux que nous avons rencontrés dans l’action culturelle, dans l’éducation à la citoyenneté, ceux qui préparent la société démocratique palestinienne de demain - trouvent une raison de vivre - de survivre – dans la révolte, la résistance et la construction (culturelle en tout cas) d’un avenir meilleur.

Les jeunes Israéliens, eux, doivent lutter contre leur propre société, contre eux-mêmes, et ne peuvent envisager que de démolir les absurdes constructions d’aujourd’hui. C’est comme s’il leur fallait faire marche arrière pour aller de l’avant.

La menace, pour les Palestinien, c’est de devoir eux aussi faire un retour en arrière pour aller de l’avant, hélàs en passant par la religion pour éviter la dépression sociale. [2] [3]

M. S.